L'interview de YVES JAMAIT

Publiée dans le PROG de Septembre 2023
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« Autodidactes, on n’a pas les mêmes peurs que les autres »

On aurait pu enchaîner les jeux de mots avec « jamais », et on s’est ravisés, car l’auteur-compositeur et interprète est un amoureux de la langue de Molière, devenu star sur le tard.

 

C’est un avantage d’avoir pu vivre de votre musique tardivement ?

Je n’aurais pas aimé qu’on me dise ça quand j’étais jeune, mais dans mon cas : OUI ! Ça a été bénéfique pour ma santé, car plus jeune j’aurais sans doute foncé dans les excès, open bar ! Et soyons francs, ce que j’écrivais jeune était vraiment TRÈS mauvais. J’avais au moins le don de m’en rendre compte ! Et attention : je ne dis pas qu’aujourd’hui c’est excellent, mais c’est moins mauvais.

Quel a été le déclic, vous vous êtes dit « c’est moins mauvais, alors je me lance » ?

Oui et non. J’avais presque quarante ans, deux gamins, ma vie était faite : même si j’en avais rêvé plus jeune, je ne pensais pas que ça pouvait encore m’arriver, être chanteur, vivre de ma musique. On était en trio, on faisait des concerts dans notre région (du côté de Dijon). Et petit à petit les salles se remplissaient. J’ai commencé à faire plus attention à ce que j’écrivais, d’autant que j’aime beaucoup les mots. Si je trouve qu’un mot est beau, je regarde ce qu’il signifie pour voir si je peux m’en servir. Je ne fonctionne sans doute pas comme tout le monde : c’est l’avantage d’être autodidacte, on n’a peur de rien ! Ou plutôt : on n’a pas les mêmes peurs que les autres.

Et où se situe la peur pour vous ?

Elle est liée à mon sentiment d’imposture. Un mauvais élève comme moi, pas bon à l’école, qui écrit, vous vous rendez compte ? Il y a une page de Zola, sur le personnage de Silvère, un malappris, qui n’a pas de culture, pas de socle, mais qui prend plaisir à apprendre : ça me frappe à chaque fois, car c’est moi ! J’ai toujours peur quand je me retrouve avec des gens qui ont fait des études.

Et la notoriété dans tout ça ?

A quarante ans j’étais nouveau dans la musique, mais pas dans la vie ! Je repérais vite les flatteurs, les menteurs, car je n’étais pas débutant du côté des rapports humains, c’est l’avantage.

Au fait, doit-on dire que vous êtes « chanteur » ou « chantiste » comme vous le dites dans certaines interviews ? Ou auteur-interprète ?...

Ha ha « chantiste » c’est un mot que je trouvais amusant ! Disons que quand je suis en train d’écrire, c’est l’écriture qui a le plus de valeur à mes yeux. Mais depuis quelques temps je fais un peu tout en même temps, je ne sépare plus les choses : quand j’écris je cherche vite des accords et je vois si je vais crier, murmurer, donner de la voix, car en fonction de l’interprétation que je leur donnerai, je n’utilise pas les mêmes mots ; et dès que j’ai un ou deux vers je les mets en musique (mais je n’écris que des chansons, pas de poèmes ou autres).

Composer ou écrire pour les autres ça vous tente ?

Je ne l’ai jamais vraiment fait. Zaz me l’avait demandé une fois, et finalement j’ai gardé le morceau qu’on a chanté en duo. Il faut faire du sur-mesure quand on écrit pour les autres, c’est un peu compliqué pour moi. Je ne suis pas sûr de savoir le faire. Si quelqu’un prenait un de mes textes, pourquoi pas… et encore ! Il faudrait qu’il en trouve un que je n’utilise pas, ce qui est rare ! Je n’ai pas de textes en réserve, lorsque j’écris une chanson, elle sera forcément sur un album, sinon je ne l’écris pas !

Justement votre dernier album en date s’intitule L’autre : l’Enfer c’est les autres, comme dirait l’autre ?

On est tous l’autre de quelqu’un ! Le con, mais aussi l’autre, celui ou celle qui apporte énormément. Il y aurait tellement à dire : « Je est un autre » pour Rimbaud ; l’autre, c’est un mystère aussi. Pour Schopenhauer, Je est un autre de rimbaud. L’autre reste un mystère. Schopenhauer comparait l’humain à un hérisson : quand il a froid il se rapproche des autres, mais en se rapprochant ça pique, donc il s’écarte… Est-ce que la bonne distance c’est la politesse ? Je vais passer pour un intello avec tout ça !

Est-ce que vous êtes devenu quelqu’un d’autre au fil du temps, avec toutes ces expériences ?

Je continue de devenir ce que je suis… Je me sui découvert autrement grâce à mes lectures, ce que j’écris, mes enfants, ce que j’entends. Tout cela nous aide à nous révéler !

Notre interview paraît pour la rentrée des classes : un souvenir à nous partager ?

Un cauchemar plutôt ! Je le vivais mal, peut-être que j’ai tout caché dans mon inconscient ? Au tout début je souffrais pour mes enfants, mais en voyant qu’ils aiment l’école, je suis content pour eux !

 

Pour découvrir Yves Jamait sur scène, rendez-vous à l’espace Malraux de Joué-lès-Tours le 23 septembre 2023 (espacemalraux.jouelestours.fr).