L'interview de MASSILIA SOUND SYSTEM

Publiée dans le PROG n°204 de Juillet/Août 2023
prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg prog_ete2023_itw-massilia_c_marcel_tessier-caune_2017.jpg
©Marcel Tessier-Caune

« On ne serait plus là si on s’emmerdait »

Bientôt quarante ans qu’ils sont sur les routes, et ils n’ont pas pris une ride ! Avant leur arrivée à Yzeures N’Rock, Gari, l’un des MC, nous en dit plus sur le plus jamaïcain des groupes marseillais. 

 

Un « Sale caractère » (titre de votre album), ça s’entretient sur la durée ?

Dans notre jargon à nous, le sale caractère, c’est la capacité à être en éveil, à être motivé pour rentrer dans le débat et ne pas se laisser faire. Et c’est ce qu’on cultive depuis toujours ! Le fait de se positionner contre ceux qui nous emmerdent, qui nous divisent, qui nous gâchent le plaisir et le spectacle. Evidemment, on fait de la musique pour faire danser et pour rassembler, mais aussi pour se positionner face aux connos.

Au fil du temps vous avez développé chacun des projets solos en plus de Massilia : quel équilibre vous trouvez entre les deux ?

Le fait d’avoir nos projets solos depuis 2003 nous permet de revenir à Massilia quand on en a envie, sans la pression de sortir un album tous les deux ans. On y revient par pur plaisir, sans contrainte, pour proposer des chansons qui résonnent aussi bien aux oreilles de ma maman de quatre-vingts ans qu’à celles des ados. Les gens viennent en famille à nos concerts, tout le monde s’éclate en même temps. Un peu comme au stade Vélodrome, où tu as toutes les classes sociales qui viennent faire la même chose (sauf que les riches sont en tribune et le peuple dans les virages). C’est un mélange qu’on cultive avec Massilia, et peut-être que le fait de jouer du reggae aide à cela. En tout cas on aime que les gens viennent nous voir comme on va à une fête foraine, à un carnaval ! On est dans la proximité, l’immédiateté. Et c’est parfois imparfait, comme la vie. 

Et vous avez toujours le même plaisir à partir en tournée ?

On fêtera nos quarante ans l’an prochain, mais quand on monte dans le bus, c’est le Club des 5, on a toujours dix-huit ans ! En vérité, on ne serait plus là si on s’emmerdait. On continue car on a ce rapport ludique au groupe, avec l’envie de partager avec vous sur scène !

Et avec ce temps qui passe, vous arrivez à vous adapter, musicalement ? Vous avez évolué ?

On essaie de folkloriser notre pratique, c’est ce qui nous fait kiffer. Quand on a analysé le reggae jamaïcain, on a réalisé que c’était une musique qui résonnait auprès de toutes les générations, en parlant du quotidien. Bob Marley parle de son quartier dans 80% de ses chansons, et pourtant tout le monde s’y retrouve. Et finalement, c’est ce que faisait Lou Reed aussi : chanter les bas-fonds new-yorkais, et tout le monde l’écoutait. Alors nous aussi on va du particulier à l’universel, depuis Marseille, on parle au monde entier.

Massilia, c’est forcément Marseille pour nous : vous habitez toujours la cité phocéenne ?

On est toujours à Marseille ou aux alentours, mais vous savez il n’y a que deux membres du groupe qui y sont nés. On est Marseillais car on veut l’être, on aime le concept d’identité choisie. Les racines, les liens du sang, on s’en fout : c’est la volonté de faire qui compte. Si demain je tombe amoureux de la Touraine et que j’y monte un soundsystem, je serai Tourangeau parce que je l’aurai choisi.

Et justement, est-ce que vous auriez un mot en provençal à nous transmettre ?

Le jour où on a réalisé que Bob Marley chantait souvent en patois jamaïcain, on a regardé si nous aussi on avait un patois local, et on s’en est emparés ! Tous les mecs d’extrême-droite jouent là-dessus, c’est un terrain glissant, mais justement on promeut un rapport sain à la langue. Avec Massilia on chante autant de chanson en provençal qu’en français. Quand on veut parler d’amour on va d’ailleurs plus facilement vers le provençal que le français… Alors un seul mot, je te dirais Aïoli : c’est bien sûr une sauce, mais on a surtout adopté ce mot pour se saluer, un peu comme les américains disent « Hi ». Et pour nous c’est aussi l’énergie à transmettre : pendant un concert, on dit qu’on fait monter l’aïoli. J’en profite pour saluer la mémoire de Fanafood, marseillais qui a développé ce mot dans le milieu reggae marseillais et qui vient de nous quitter.

C’est l’été : un spot préféré pour en profiter ?

On habite à Marseille, donc je ne te fais pas un dessin… Même si on n’est nous-même souvent sur la route en été, donc on n’en profite pas, mais j’ai rarement vu plus beau que nos calanques ! Et un bon spot de vacances, c’est un endroit où il y a surtout tes amis ! 

Et tu nous conseilles quelle lecture ?

Je viens de lire le livre de Pone, qui m’a retourné. Même atteint par la maladie de Charcot, il a réussi à écrire, et le bouquin n’est pas larmoyant : c’est à la fois une plongée dans l’histoire du rap marseillais des vingt dernières années, et une vraie leçon de courage, de combat pour la vie et pour la création. 

 

Rendez-vous avec Massilia à Yzeures’N’Rock le 6 août 2023 – www.yzeuresnrock.com 

Et en tournée dans toute la France : https://massilia-soundsystem.com