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Ce groupe mythique du reggae quitte la Californie le temps d’une tournée européenne qui passe par Oésia. On ne pouvait pas manquer ça : Harrison Stafford est là.
LA QUESTION
Votre album Candle Burning déborde d’optimisme. Pas dur de garder le cap par les temps qui courent ?
Ça semble plus que nécessaire dans ce monde de fous ! On est tous tombé d’accord sur ce concept (chaque album a une ligne directrice). Beaucoup de nos précédents albums abordaient des aspects négatifs de la nature humaine (l’envie, la vanité, les luttes de pouvoir...). On avait envie d’un projet
plus universel et porteur d’espoir. La bougie (candle) c’est celle de notre vie, qui un jour finit par s’éteindre, et c’est la lumière qui nous habite.
L’INTERVIEW
Vous avez enregistré cet album à Bruxelles, en analogique. C’est un peu un truc de dinosaures, non ?
On a toujours enregistré nos albums comme ça, mais le studio qu’on utilisait avant ayant fermé, Baco Records nous a trouvé cet endroit à Bruxelles où c’était encore possible de travailler en son analogique. C’était magique. Un vieil homme de quatre-vingts ans peut-être, en train de calibrer les
bandes sur la machine… Et nous tous, ensemble, avec le soliste dans la cabine isolée, le claviériste à l’autre bout, on enregistre tous ensemble les chansons, comme si on les faisait sur scène. Le titre « Original riddim » parle de ça, non seulement le fait que la musique soit le langage universel, le battement de cœur en chacun de nous, mais aussi notre connexion profonde à la musique… qui se traduit par cet enregistrement à l’ancienne. Le batteur n’a pas de clic dans l’oreille (système qui permet d’avoir un tempo fixe grâce à une machine – ndlr), on crée tous ensemble, et ce n’est pas
parfait. Et c’est ce que j’aime : c’est imparfait, car c’est humain, c’est organique. C’est assez cher d’enregistrer de cette manière, et il n’y pas droit à l’erreur donc il faut avoir confiance dans ce qu’on joue. Mais c’est ce qui rend l’expérience encore plus intense !
Cet automne, avant d’arriver en Europe vous êtes passé par l’Amérique du Sud : le public répond-il toujours pareil à la musique de Groundation, quel que soit le continent ?
J’ai coutume de dire qu’il n’y a pas de différence, car notre musique est chargée d’énergie, de messages militants, et les gens qui recherchent cela nous suivent. Des gens qui veulent rendre la vie meilleure, qui croient à un amour universel… Ce sont les ingrédients pour faire un fan de Groundation ! Qu’on soit à Sao Paulo, à Paris ou à Los Angeles, dans le public on retrouve toujours des gens avec cet esprit léger, positif et engagé. Et je crois que la complexité et la richesse de notre musique explique aussi qu’on ait une base de fans vraiment solide. Par contre, ce qui change d’un pays à l’autre, et d’un jour à l’autre, c’est le concert : tout est live, il y a des impros, donc chaque concert est différent du précédent.
Dans le monde du reggae, on vous appelle souvent « le Professeur », pourquoi ?
Ça vient de loin ! Au tout début du groupe je suivait des études de jazz, et après avoir obtenu mon diplôme j’ai travaillé sur l’histoire du reggae et j’ai convaincu le directeur de me laisser donner un cours à ce sujet. J’ai donc été professeur pendant deux ans et demie. Et quand des artistes passaient
dans le coin, à San Francisco, je les amenais en classe, pour un cours qui incluait des infos que je partageais puis des questions des étudiants à ces artistes qui ont donc commencé à m’appeler « Professor ». Ajoutez à cela qu’en Jamaïque mon nom, Harrison Stafford, est assez confus car ce
sont deux noms de famille : c’était plus pratique pour beaucoup de m’appeler Professeur ! Et quand j’ai fait mon album solo au sujet d’Israël et de la Palestine, je professais sur la situation.
Quelle est la principale leçon à retenir au sujet de l’histoire du reggae, Prof ?
Ce que je disais le premier jour de cours : c’est plus que l’histoire d’une musique populaire. Le reggae a d’abord été une musique du peuple jamaïcain, avant de rencontrer le mouvement rastafari. Enseigner cette histoire en deux temps, c’est enseigner à s’ouvrir au monde, à être une voix du changement. Le reggae questionne les pouvoirs en place, et crée des individus qui veulent un monde meilleur.
LE QUESTIONNAIRE
Dernière chose avant d’entrer en scène ?
On forme un cercle, on remercie d’avoir la force et la santé pour vivre cela, on demande au Très Haut de protéger nos proches, et on se redit qu’on a la mission d’apporter de la joie et du bonheur au public.
Le livre que vous lisez en ce moment ?
Je viens de finir un livre sur Gaza, et en ce moment le lis celui de Dave Grohl, le batteur de Foo Fighters.
Le film que vous revoyez toujours avec plaisir ? Avec mes trois enfants, plus le temps de voir des films pour moi... Donc je dirais Harry Potter !
En sortant de scène, la première chose c’est...?
On fait le point, puis on va voir le public.
En concert à Oésia le 8 novembre 2025. Réservations ici !